Il est 1h15 du matin lorsque j’envoie un message à Adrian, le chauffeur de taxi qui doit me conduire à l’aéroport. Je poireaute depuis une demi-heure et je commence sérieusement à m’impatienter. Si ça continue, je vais rater mon avion !
“J’arrive dans 15 minutes” voilà ce qu’il me répond. Non mais je rêve ! Il se fou de moi ou quoi ? Il était censé se pointer à 00h45 pas à 1h30 du matin !
Son manque d’empathie et de ponctualité me met hors de moi. Je quitte l’auberge de jeunesse sans lui répondre et me mets à la recherche d’un autre taxi.
Malheureusement, cette tâche s’avère bien plus compliquée que prévu. Les rues sont désertes. Le calme est presque angoissant. Il n’y a que le bruit de mes pas qui trouble le silence qui m’entoure…
J’aperçois un tuk tuk garé devant les portes closes d’un restaurant. Je frappe à la porte. Avec un peu de chance, son propriétaire acceptera peut-être de me déposer.
C’est un homme borgne qui ouvre la porte. Je lui explique embarrassée que je souhaite me rendre à l’aéroport et que j’ai peur de marcher seule la nuit.
À ma grande surprise, il m’envoie valser en prétextant qu’il n’y a rien à craindre et qu’il ne me reste plus beaucoup de distance à parcourir. Si c’est si safe que ça la Colombie alors pourquoi il lui manque un œil ?
Je me remets en marche, encore plus énervée. Décidément, on ne peut pas compter sur les colombiens pour venir en aide à une demoiselle en détresse ! Si je me fais enlever, j’espère qu’il aura ma disparition sur sa conscience !
Je parcours le dernier kilomètre en courant. Il est 1h40 lorsque j’atteins le hall d’embarquement à bout de souffle. Je suis la dernière à m’enregistrer. C’était moins une…
Il est 5h du matin lorsque nous atterrissons à Medellín. Je regarde patiemment défiler les valises sur le tapis roulant de l’aéroport lorsque j’aperçois deux jeunes garçons parler anglais.
Je me dirige à leur rencontre et leur demande dans quelle auberge de jeunesse ils se rendent et s’ils souhaitent partager le taxi.
Les deux jeunes hommes m’expliquent qu’ils reviennent tout juste d’Amazonie après avoir passé quelques jours de vacances en famille et qu’ils parlent anglais car ils ont vécu une dizaine d’années aux États-Unis. Ah mince… Je n’avais pas réalisé qu’ils étaient accompagnés d’adultes. Tant pis !
J’attrape mon sac à dos et m’apprête à quitter les lieux lorsque les deux frères et leurs parents me proposent de me conduire dans le centre.
Dans la voiture, je prends plaisir à répondre aux questions de Camilo, l’aîné de la famille et de ses parents Diana et Edgar qui semblent porter beaucoup d’intérêt à mon voyage. Santiago, le petit dernier est quant à lui un peu plus réservé.
Je dois reconnaître que le fait que nous puissions parler anglais ensemble facilite grandement les échanges…
Contre toute attente, Edgar me propose à mi-chemin de venir passer quelques jours chez eux ! Il ne me faut pas longtemps pour accepter son invitation, touchée par la gentillesse et l’hospitalité de cette famille.
Il est à peine 7h00 du matin lorsque nous atteignons le cocon familial. Je suis impressionnée de voir à quelle vitesse l’ascenseur franchit les treize étages du building…
Je passe la porte d’entrée et découvre stupéfaite un magnifique appartement en duplex, décoré avec goût. Honnêtement, si Camilo me m’avait pas dit que ses parents étaient partis vivre aux États-Unis pour gagner de l’argent, j’aurai secrètement pensé que son père était narcotrafiquant au vu de l’appartement !
Je prends rapidement mes aises. La famille est au petit soin avec moi. Diana m’installe dans une chambre spacieuse et m’apporte des draps propres.
Les péripéties de la veille et mon vol de nuit m’ont épuisé. Je m’écroule dans le grand lit et m’endors d’un sommeil lourd et profond.
Il est 14h lorsque Camilo me tire de mes rêveries. Il est l’heure de passer à table et de déguster un plat typique colombien, le Tamal.
Je tire un peu la grimace en dépliant la papillote en feuilles de bananier. Je ne suis pas vraiment adepte des expériences culinaires. Je me force pour ne pas froisser mes hôtes.
À l’issue du déjeuner, Camilo me propose d’aller nous balader en ville. C’est une chance qu’il soit en vacances et qu’il accepte de passer du temps avec moi.
Nous empruntons le Metrocable et survolons les quartiers les moins développés de Medellin. Le contraste entre la modernité du centre-ville où se côtoient bars branchés et restaurants chics et la pauvreté des favélas situés en périphérie est saisissant.
Le lendemain, Camilo se joint à moi pour aller visiter la Comuna 13 de Medellin, l’ancien quartier le plus dangereux du monde (ce qui ne rassure franchement pas Diana, sa maman qui y a grandit).
Nous passons une chouette après-midi à arpenter les rues animées et colorées de la commune. Camilo prend plaisir à jouer les guides et me conter l’histoire de son pays.
Il est tôt le jour suivant lorsque je me mets en route pour Guatapé. Aujourd’hui, j’ai décidé de laisser Camilo tranquille et de partir seule à la découverte d’une des plus belles villes coloniale de Colombie.
Je fais un premier arrêt à la Piedra del Peñol. Certains disent que ce rocher serait en fait une météorite mais personne n’est capable de le confirmer avec certitude.
J’ai l’immense surprise de tomber par hasard sur Mehdi, un ancien compagnon de voyage rencontré à Samaipata en Bolivie et une amie à lui dans les escaliers.
Nous poursuivons l’ascension ensemble et découvrons la splendide vue sur le lac qui s’offre à nous une fois le sommet atteint.
La terre ferme regagnée, nous prenons un taxi moto pour nous rendre dans le village de Guatapé. Après le déjeuner, je fais mes au revoir à Mehdi car je souhaite trouver un cadeau pour remercier Diana et Edgar et prendre quelques photos de la ville.
Il est 20h lorsque je franchis les portes du domicile familiale. Je tends fièrement une bouteille de rhum 5 ans d’âge à Edgar et une boite de chocolats à Diana.
Contre toute attente, je lis de la déception dans leur regard ! Diana me répond gênée qu’il ne fallait pas que je dépense mon argent. On dirait ma mère ! Elle m’explique qu’elle aurait préféré que je cuisine un plat français. Mince, je me sens hyper embarrassée…
C’est notre dernière soirée tous ensemble. Demain, Edgar et Diana vont passer un week-end en amoureux dans leur maison de campagne, je me retrouverai donc seule avec les garçons pour mon dernier jour à Medellin.
Nous montons tous en voiture après le dîner. La famille tient à me montrer un splendide mirador qui offre une vue imprenable sur Medellin la nuit.
Après avoir contemplé un moment l’effervescence nocturne de la ville, nous poursuivons la soirée à Poblado le quartier huppé de Medellin où nous assistons à un concert de rue avant de rentrer nous coucher.
Il est 12h lorsque Diana et Edgar nous déposent Camilo et moi à Santa Fé de Antioquia, un petit village situé à 2h de Medellin.
C’est avec le cœur lourd que je fais mes adieux au couple. Je ne leur serai jamais assez reconnaissante pour leur accueil et leur bienveillance à mon égard…
La séquence émotion terminée, Camilo et moi entreprenons la visite de la ville. Nous déambulons dans les ruelles et contemplons inlassablement les belles façades blanches et ocres des maisons et leurs grandes portes en bois avant de regagner Medellin.
Il est 9h lorsque je me mets aux fourneaux le lendemain matin. Aujourd’hui, j’ai décidé de faire des crêpes pour le petit déjeuner. Malheureusement, ma première tentative est un véritable massacre !
J’ai confondu le sucre glace avec la farine, ce qui a bien fait rigoler Camilo… Heureusement pour moi, je me suis rattrapée en essayant à nouveau et cette fois, on s’est tous régalé !
C’est sur cette belle matinée de partage et d’éclats de rire que se termine mon incroyable séjour à Medellin. Dans un moment, je reprendrai ma route en direction de Salento.
Mais pour l’heure, je ne préfère pas y penser et profiter pleinement de mes derniers instants en compagnie de mes deux frères adoptifs…