Il est 16h lorsque je monte à bord de l’HAWAIKI NUI. Les matelots viennent tout juste de terminer le chargement de la cargaison, nous pouvons partir.
Je m’installe sur la passerelle avant et regarde défiler l’horizon lorsque Manu, un passager tahitien interrompt mes rêveries en entamant la conversation.
Nous sympathisons instantanément et discutons jusqu’à la tombée de la nuit avant de prendre place sous le pont où nous nous couchons à même le sol.
La nuit est mouvementée sur le navire. La mer agitée me fait tanguer. Vers 2h du matin, je me vois réveillée en sursaut par la pluie qui jaillit à travers les fenêtres.
Manu est très attentionné envers moi. Il m’enveloppe d’un manteau pour que je n’attrape pas froid et couvre mes affaires pour qu’elles restent au sec.
Nous amarrons à Raiatea aux environs de 5h du matin sous une pluie battante. Nous nous abritons sous un porche et profitons d’une accalmie pour rejoindre le centre-ville.
Je prends mon petit déjeuner en compagnie de Manu qui attend patiemment de pouvoir prendre la navette en direction de Tahaa. Il rejoint ses amis afin de leur filer un coup de pouce dans leur vanilleraie.
Quant à moi, il me faut attendre 10h pour pouvoir monter dans le bus qui me conduira au camping dans lequel j’ai réservé mes deux prochaines nuits.
Avant de se quitter, j’échange mes coordonnées avec Manu, l’ange gardien qui a veillé sur moi toute la nuit. Je le regarde s’en aller avant d’aller patienter sagement à l’arrêt de bus.
Les minutes défilent avec une lenteur désespérante lorsque soudain, un vieux monsieur s’arrête à mon niveau. Il me toise d’un œil perplexe avant de me demander : “C’est toi Manon ?” J’acquiesce sans pouvoir cacher mon étonnement.
Il poursuit : « c’est moi Guy, le propriétaire du camping ! J’avais quelques courses à faire et comme je savais que tu arrivais aujourd’hui je me disais que ça ferait une pierre deux coups. »
Ni une ni deux, je monte dans sa voiture bien contente d’échapper à l’attente.
Je dépose mes affaires dans ma nouvelle demeure, une petite tente Quechua plantée au fond du jardin de Guy. C’est modeste mais ça fera l’affaire. Mon périple de nuit m’a fatigué. Je passe l’après-midi terrée dans ma tente en regardant quelques épisodes de ma série favorite.
Il est 11h quand je me mets en route le lendemain matin. Guy me prête un vélo aussi âgé que lui ! Confiante, je m’installe sur la selle prête à dévaler la pente lorsque Guy me coupe dans mon élan et me glisse plein de malice « Tu ferais mieux de descendre car si tu te ramasses dans la côte sache que j’ai mon brevet de secourisme je peux te réanimer mais attention, je mets la langue ! »
Beuuuurk !! Cette vision d’horreur me fait immédiatement descendre du vélo. Tout compte fait je vais y aller à pieds !
Je me remets en selle sur la route principale. Les 8 km à parcourir me donnent du fil à retordre. La selle me fait un mal de chien et la chaleur est insoutenable.
Je pédale tant bien que mal jusqu’au Marae de Taputapuātea. Je me balade entre les ruines où se tenaient autrefois des cérémonies où culture et spiritualité s’entremêlaient et sympathise avec le gardien du site avant de rentrer à bout de souffle à la pension.
Le lendemain, je fais mes adieux à ce bon vieux Guy, sacré personnage et me rends au port de plaisance de Raiatea car aujourd’hui, je pars en excursion sur le lagon de Tahaa.
Je suis la première au rendez-vous. Je fais connaissance avec Bruno, l’organisateur de l’expédition en attendant l’arrivée des autres passagers. On s’est d’ailleurs si bien entendu qu’il m’a fait une super réduction sur le tour et m’a proposé de m’héberger ! Une proposition adorable que j’ai malheureusement décliné car j’ai déjà des plans pour ce soir…
Le bateau une fois au complet, nous mettons les voiles. Premier arrêt : le récif aux requins à pointe noire !
L’excitation monte après avoir jeté l’ancre. J’admire inlassablement les requins tournoyer autour du bateau. J’enfile mon masque et mon tuba et plonge à l’eau sans même réfléchir.
Je me retrouve vite encerclée par les prédateurs. Je nage à leur rencontre avec précaution. Je passe une bonne demi-heure à les suivre, certains s’approchent vraiment près. Je sors de l’eau le cœur haletant, chamboulée par ce moment intense que je viens de vivre.
Nous faisons un second arrêt dans un jardin de corail. Nous nous laissons porter par le courant et nageons entre poissons et coraux multicolores.
La journée se poursuit dans une serre à vanille. On nous explique comment effectuer le mariage entre la fleur et le pistil pour donner naissance à la gousse de vanille.
Après cette matinée forte en émotion, nous reprenons des forces en dégustant un délicieux plat local et nous remettons en route vers une ferme perlière.
Nous concluons cette merveilleuse après-midi par un arrêt dans un second jardin de corail encore plus coloré que celui de ce matin. Avant de snorkeler, Bruno me file un bout de banane pour attirer les poissons sous l’eau. Une idée brillante puisque je suis immédiatement assaillie par des dizaines de poissons qui viennent picorer le fruit au bout de mes doigts.
À la fin du tour, je demande à Bruno de me déposer au port de Tahaa car ce soir, c’est Manu, le tahitien rencontré dans le cargo qui m’accueille gentiment chez lui.
Comme convenu, Manu vient me chercher au point de rendez-vous. Nous arrosons nos retrouvailles avec des rhums arrangés en admirant le ciel étoilé qui se dresse au dessus de nos têtes depuis le ponton. Je n’aurai pas pu rêver meilleure compagnie pour célébrer mes derniers instants sur la belle île de Tahaa !